Les administrateurs du Conseil d’Administration ont été consultés sur la prolongation de la durée de vie technique des CI-CM installées après le 30 juin 1979.
Il est proposé de maintenir inchangée à 45 ans la durée de vie technique pour toutes les CI-CM (conduites gaz dans les immeubles) installées avant le 30 juin 1979 mais de passer à 100 ans la durée de vie technique des CI-CM posées après cette même date avec une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2024.
Le dispositif de la PPR permet à GRDF de provisionner (mettre de côté) des fonds pour financer le remplacement de ses ouvrages en fin de vie tout en bénéficiant d’une exonération d’impôts sur les sommes ainsi provisionnées. Ce dispositif n’est pas remis en question dans les contrats de concessions.
Cela ne vous rappelle rien ? Alors voici un petit rappel :
• 2016 prolongation à 100 ans au lieu de 55 de la durée de vie technique des réseaux en PE (polyéthylène) et acier revêtu PE datant d’après 1980
• 2020 prolongation à 100 ans au lieu de 50 de la durée de vie technique des branchements individuels et collectifs en PE et acier revêtu PE datant d’après 1980
Conséquence : reprise (récupération par l’entreprise) de provision de près de 700 M€ intégrant 200 M€ d’impôts supplémentaires.
• 2024 : Sous la pression du groupe, GRDF prolonge à 100 ans au lieu de 45 la durée de vie technique des CI-CM posées après le 30 juin 1979 à 100 ans (au lieu de 45 ans)
Conséquence : reprise de provision s d’environ 750 M€ intégrant environ 200 M€ d’impôts supplémentaires.
Il est clair que cette stratégie vise à vider les caisses de GRDF au profit du groupe. De plus cela pénalise notre capacité à faire face aux besoins de renouvellement de ces ouvrages dans le futur.
Les règles actuelles à 45 ans pour les CI-CM allaient obliger GRDF à engager beaucoup de renouvellements dans les prochains contrats de concession ainsi que des provisions d’environ 1 Milliard d’€ supplémentaire d’ici 2030. Alors GRDF décide, seul, d’augmenter la durée de vie technique des CI-CM post 1979 à 100 ans et repousse ainsi ses obligations aux calendes grecques. Elle met en grande difficulté les futurs Gaziers et la sûreté des ouvrages, pourtant partie intégrante de sa « raison d’être ».
Lors des échanges pendant le Conseil d’Administration, j’ai souligné, en particulier sur les CI-CM, que nous faisions face à des ouvrages très sensibles, souvent situés, même en partie, dans des espaces
confinés et difficiles d’accès. Cela génère un risque élevé d’accumulation de gaz en cas de défaillance.
D’ailleurs, malgré la réglementation de l’arrêté du 02 août 1977, certains de ces ouvrages ont été réalisés après 1979 sans respecter les normes en vigueur.
De plus, la fiabilité de la GMAO pour assurer l’exactitude de l’inventaire est remise en question, car de nombreuses pénétrations de tuyauterie de gaz (caractéristique à haut risque) ne sont pas visibles lors des visites de maintenance en raison de problèmes d’accès. Ces anomalies ne sont pas signalées ou prises en charge, ce qui limite le suivi. Il est important de souligner que toute intervention de GRDF sur une installation doit respecter la réglementation en vigueur, quelle que soit la date de construction du
bâtiment.
Quel est l’avis des autorités concédantes sur cette stratégie qui réduit le financement du renouvellement
des ouvrages gaz dont elles sont propriétaires au profit des actionnaires d’ENGIE ?
Cette stratégie financière à court terme, mise en place pour améliorer les résultats d’ENGIE, est préjudiciable pour l’avenir de l’énergie gaz en France. En effet, pour jouer son rôle dans la transition vers une économie bas carbone, l’énergie gaz doit s’appuyer sur des installations fiables. Cette approche
risque de compromettre la sécurité des installations concernées, alors que nombre d’entre elles devaient
être renouvelées dans les dix prochaines années.
La PPR est calculée pour chaque actif répertorié dans l’inventaire comptable. Celui ci comprend
environ 1,6 million de CI-CM, dont 136 000 CI-CM en plomb.
Selon le dernier plan d’investissement triennal 2024-2026, présenté lors du Conseil d’Administration du 17 juin 2024, GRDF prévoit d’accélérer le renouvelle ment des CI dans le cadre des investissements d’adaptation et de modernisation des ouvrages, passant de 2 100 à 3 500 CI par an, dont plus de la moitié (environ) concernent les ouvrages en plomb. Cela signifie, qu’à ce rythme, il faudra environ 68 ans pour renouveler les CI en plomb alors que ces ouvrages ont déjà plus de 45 ans.
Il est donc nécessaire de doubler le rythme de renouvellement de ces CI-CM.
• CI en plomb, cuivre et autres matières Durée de Vie Technique : 45 ans
• CI en acier antérieur à 1980 Durée de Vie Technique : 55 ans
• CI en acier post 1980 et en PE Durée de Vie Technique : 100 ans
Suite à l’expression de mon avis (pas du tout apprécié par la Direction), des débats animés ont eu lieu au sein du Conseil d’Administration.
GRDF a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait que « de règles comptables » et qu’elles n’influaient en rien sur les décisions de renouvellement des ouvrages. Ben voyons, c’est tellement comptable que GRDF va payer environ 200 M€ d’impôts en plus.
En lisant la presse, suite au CA de GRDF, on constate qu’ENGIE revoit à la hausse ses prévisions annuelles du résultat net malgré la conjoncture et un retour à la normale des conditions de marché de l’énergie.
Le groupe met la pression sur ses filiales pour générer plus de liquidités afin que le titre progresse sur les
marchés financiers (d’où le CA supplémentaire).
J’ai été le seul à émettre un avis négatif sur ce dossier. Il est donc approuvé.
Le résultat net des comptes sociaux du compte de résultat prévisionnel au 31 décembre 2024 va subir une évolution importante en raison de la modification de la durée de vie technique des CI-CM antérieur à 1979.
GRDF a ainsi sollicité l’avis des membres du conseil d’administration sur cette question. On observe une
augmentation du résultat net, passant de 375 M€ à 896 M€ après impôts, ce qui représente une hausse de 239 %. Cette augmentation soulève la question de savoir qui bénéficiera réellement de cette forte progression.
La reprise de la PPR constituée au 1er janvier sur le parc d’ouvrages des CI-CM devenu non renouvelable
a un impact de 764 millions d’euros avant impôts et 567 millions après impôts sur le compte de
résultat social (norme Française).
Il n’y aura aucun impact sur le compte IFRS (normes internationale), seul le montant des impôts sera
affecté. GRDF se base sur le résultat net IFRS pour calculer le versement des dividendes, qui est toujours
supérieur au compte social car les PPR ne sont pas comptabilisées en compte IFRS.
En raison de l’augmentation significative du résultat net (prévision), GRDF a alloué une enveloppe de 54 millions d’euros pour les agents dans ses comptes sociaux.
En tant qu’administrateur des salariés parrainé par la FNME CGT, j’ai régulièrement sollicité GRDF pour
revoir la répartition des richesses générées par les agents.
Dans le cadre de l’amélioration du dialogue social, j’ai, à plusieurs reprises, demandé à la Direction
Générale de GRDF de reconsidérer la répartition des richesses comme cela se fait dans d’autres entreprises du secteur gazier.
J’ai porté la possibilité d’augmenter le cumul de l’intéressement et de la participation à 20 % de la
masse salariale (actuellement limité à 8,5 %).
Cela permettrait aux agents de GRDF de bénéficier à la fois de la participation et de l’intéressement tout en envisageant un complément d’intéressement.
Autrement dit, cela permettrait aux agents de profiter pleinement des fruits de leur engagement dans le service public de l’énergie du gaz.
Concernant l’avis sur les documents liés à la prévention des difficultés des entreprises, j’ai été dans
l’incapacité de donner un avis tranché.
J’ai donc formulé un avis nuancé et me suis abstenu.